Sujet : La nature, les saisons ! | | Posté le 31-03-2004 à 01:30:23
| Petit coquelicot Jamais on ne te regarde Pourtant tu es printemps Jamais tu n'es offert Pour toi aucune fête. Tu pousses fragile, discret Là, où la terre a ses secrets. On laboure ton lit de blés. Et tu ne meurs jamais. Tu fleuris les prés Le matin des étés. Du temps ancien tu es né Sans jamais pâlir tu renais. Tu réfléchis ultraviolet Attire abeilles avec amitié Sans aucun nectar tu offres D'antant ta corolle pourpre Nul ne reconnaît ta beauté On ne fait que te piétiner. Tu fleuris seul en somme Indifférent aux hommes. Gentil coquelicot tu es Là, fidèle au mois de mai Modeste, le soir tu t’effaces Pour t'évanouir dans l'espace Les jours des belles matinées Tu t’épanouis à la rosée Alors que si belle, la rose De ses pétales mal éclose Ne s’offre qu’aux belles, En matinée, moins belle. Un poète un jour t’a chanté Je veux avec toi partager Demain, où je te rejoindrai Sous la terre sans renaître Souvenir des champs de blé Pour l’amour d’un jour d’été. G.S, Dit de Beaufort (Septembre 1994) |
| | Posté le 03-04-2004 à 03:46:56
| Armand SULLY PRUDHOMME Le cygne Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes, Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes, Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil A des neiges d'avril qui croulent au soleil ; Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire, Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire. Il dresse son beau col au-dessus des roseaux, Le plonge, le promène allongé sur les eaux, Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe, Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante. Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix, Il serpente, et laissant les herbages épais Traîner derrière lui comme une chevelure, Il va d'une tardive et languissante allure ; La grotte où le poète écoute ce qu'il sent, Et la source qui pleure un éternel absent, Lui plaisent : il y rôde ; une feuille de saule En silence tombée effleure son épaule ; Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur, Superbe, gouvernant du côté de l'azur, Il choisit, pour fêter sa blancheur qu'il admire, La place éblouissante où le soleil se mire. Puis, quand les bords de l'eau ne se distinguent plus, A l'heure où toute forme est un spectre confus, Où l'horizon brunit, rayé d'un long trait rouge, Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge, Que les rainettes font dans l'air serein leur bruit Et que la luciole au clair de lune luit, L'oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète La splendeur d'une nuit lactée et violette, Comme un vase d'argent parmi des diamants, Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments. |
| | Posté le 03-04-2004 à 03:52:11
| Marceline DESBORDES-VALMORE Le rossignol aveugle Pauvre exilé de l'air ! Sans ailes, sans lumière, Oh ! Comme on t'a fait malheureux ! Quelle ombre impénétrable inonde ta paupière ! Quel deuil est étendu sur tes chants douloureux ! Innocent Bélisaire ! Une empreinte brûlante Du jour sur ta prunelle a séché les couleurs, Et ta mémoire y roule incessamment des pleurs, Et tu ne sais pourquoi Dieu fit la nuit si lente ! Et Dieu nous verse encor la nuit égale au jour. Non ! Ta nuit sans rayons n'est pas son triste ouvrage. Il ouvrit tout un ciel à ton vol plein d'amour, Et ton vol mutilé l'outrage ! Par lui ton coeur éteint s'illumine d'espoir. Un éclair qu'il allume à ton horizon noir Te fait rêver de l'aube, ou des étoiles blanches Ou d'un reflet de l'eau qui glisse entre les branches Des bois que tu ne peux plus voir ! Et tu chantes les bois, puisque tu vis encore. Tu chantes : pour l'oiseau, respirer, c'est chanter. Mais quoi ! Pour moduler l'ennui qui te dévore, Sous le voile vivant qui te cache l'aurore, Combien d'autres accents te faut-il inventer ! Un coeur d'oiseau sait-il tant de notes plaintives ? Ah ! Quand la liberté soufflait dans tes chansons, Qu'avec ravissement tes ailes incaptives Dans l'azur sans barrière emportaient ses leçons ! Douce horloge du soir aux saules suspendue, Ton timbre jetait l'heure aux pâtres dispersés ; Mais le timbre égaré dans ta clarté perdue Sonne toujours minuit sur tes chants oppressés. Tes chants n'éveillent plus la pâle primevère Qui meurt sans recevoir les baisers du soleil, Ni le souci fermé sous le doigt du sommeil Qui se rouvre baigné d'une rosée amère ; Tu ne sais plus quel astre éclaire tes instants ; Tu bois, sans les compter, tes heures de souffrance ; Car la veille sans espérance Ne sent pas la fuite du temps ! Tu ne vas plus verser ton hymne sur la rose, Ni retremper ta voix dans le feu qui l'arrose. Cette haleine d'encens, ce parfum tant aimé, C'est l'amour qui fermente au fond d'un coeur fermé ; Et ton coeur contre ta cage Se jette avec désespoir ; Et l'on rit du vain courage Qui heurte ton esclavage Sur un barreau sanglant que tu ne peux mouvoir. Du fond de ton sépulcre un cri lent et sonore Dénonce tes malheurs autre part entendus ; Ton oeil vide s'ouvre encore Pour saluer une aurore Que l'homme n'éteindra plus ! Ce jour que l'esclave envie Du moins changera son sort, Et je sais trop de la vie, Pour médire de la mort ! Chante la liberté, prisonnier ! Dieu t'écoute. Allons ! Nous voici deux à chanter devant lui. J'ai su dire ma joie, et je sais aujourd'hui Ce qu'un son douloureux te coûte ! Chante pour tes bourreaux qui daignent te nourrir, Qui t'ont ravi des cieux la flamme épanouie : Tes cris font des accords, ton deuil les désennuie ; Si ta douleur s'enferme, ils te feront mourir ! Chante donc ta douleur profonde, Ton désert au milieu du monde, Ton veuvage, ton abandon ; Dis, dis quelle amertume affreuse Rend la liberté douloureuse Pour qui n'en sait plus que le nom ! Dis qu'il fait froid dans ta pensée, Comme quand une voix glacée Souffla sur le feu de mon coeur Pour éteindre aussi la lumière D'une espérance, - la première, Que je prenais pour le bonheur ! Laisse ton hymne désolée, Comme l'eau dans une vallée, S'épancher sur tes sombres jours, Et que l'espoir filtre toujours Au fond de ta joie écoulée ! |
| | Posté le 03-04-2004 à 03:52:58
| Alfred de MUSSET Le Saule (extrait) Pâle étoile du soir, messagère lointaine, Dont le front sort brillant des voiles du couchant, De ton palais d'azur, au sein du firmament, Que regardes-tu dans la plaine ? La tempête s'éloigne, et les vents sont calmés. La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère ; Le phalène doré, dans sa course légère, Traverse les prés embaumés. Que cherches-tu sur la terre endormie ? Mais déjà vers les monts je te vois t'abaisser ; Tu fuis, en souriant, mélancolique amie, Et ton tremblant regard est près de s'effacer. Étoile qui descends vers la verte colline, Triste larme d'argent du manteau de la Nuit, Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine, Tandis que pas à pas son long troupeau le suit, - Étoile, où t'en vas-tu, dans cette nuit immense ? Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ? Où t'en vas-tu si belle, à l'heure du silence, Tomber comme une perle au sein profond des eaux ? Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux, Avant de nous quitter, un seul instant arrête ; - Étoile de l'amour, ne descends pas des cieux ! [...] |
| | Posté le 03-04-2004 à 03:53:44
| Alfred de VIGNY (1797-1863) (Recueil : Les Destinées) La Mort du Loup I Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon. Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon, Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçu les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement La girouette en deuil criait au firmament ; Car le vent élevé bien au dessus des terres, N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires, Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés, Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés. Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête, Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête A regardé le sable en s'y couchant ; Bientôt, Lui que jamais ici on ne vit en défaut, A déclaré tout bas que ces marques récentes Annonçait la démarche et les griffes puissantes De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux. Nous avons tous alors préparé nos couteaux, Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches, Nous allions pas à pas en écartant les branches. Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient, J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient, Et je vois au delà quatre formes légères Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères, Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux, Quand le maître revient, les lévriers joyeux. Leur forme était semblable et semblable la danse ; Mais les enfants du loup se jouaient en silence, Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi, Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi. Le père était debout, et plus loin, contre un arbre, Sa louve reposait comme celle de marbre Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus. Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées. Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris, Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ; Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante, Du chien le plus hardi la gorge pantelante Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer, Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé, Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé. Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde. Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde, Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ; Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant. Il nous regarde encore, ensuite il se recouche, Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche, Et, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri. II J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre, Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois, Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois, Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ; Mais son devoir était de les sauver, afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, A ne jamais entrer dans le pacte des villes Que l'homme a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs du bois et du rocher. Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes, Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes ! Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C'est vous qui le savez, sublimes animaux ! A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse. - Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur ! Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté. Gémir, pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. " |
| | Posté le 04-04-2004 à 04:00:01
| Alfred de VIGNY (1797-1863) (Recueil : Poèmes antiques et modernes) Le Déluge (extrait) La Terre était riante et dans sa fleur première ; Le jour avait encor cette même lumière Qui du Ciel embelli couronna les hauteurs Quand Dieu la fit tomber de ses doigts créateurs. Rien n'avait dans sa forme altéré la nature, Et des monts réguliers l'immense architecture S'élevait jusqu'aux Cieux par ses degrés égaux, Sans que rien de leur chaîne eût brisé les anneaux. La forêt, plus féconde, ombrageait, sous ses dômes, Des plaines et des fleurs les gracieux royaumes Et des fleuves aux mers le cours était réglé Dans un ordre parfait qui n'était pas troublé. Jamais un voyageur n'aurait, sous le feuillage, Rencontré, loin des flots, l'émail du coquillage, Et la perle habitait son palais de cristal : Chaque trésor restait dans l'élément natal, Sans enfreindre jamais la céleste défense ; Et la beauté du monde attestait son enfance ; Tout suivait sa loi douce et son premier penchant, Tout était pur encor. Mais l'homme était méchant. Les peuples déjà vieux, les races déjà mûres, Avaient vu jusqu'au fond des sciences obscures ; Les mortels savaient tout, et tout les affligeait ; Le prince était sans joie ainsi que le sujet ; Trente religions avaient eu leurs prophètes, Leurs martyrs, leurs combats, leurs gloires, leurs défaites, Leur temps d'indifférence et leur siècle d'oubli ; Chaque peuple, à son tour dans l'ombre enseveli, Chantait languissamment ses grandeurs effacées : La mort régnait déjà dans les âmes glacées. Même plus haut que l'homme atteignaient ses malheurs : D'autres êtres cherchaient ses plaisirs et ses pleurs. Souvent, fruit inconnu d'un orgueilleux mélange, Au sein d'une mortelle on vit le fils d'un Ange. Le crime universel s'élevait jusqu'aux cieux. Dieu s'attrista lui-même et détourna les yeux. Et cependant, un jour, au sommet solitaire Du mont sacré d'Arar, le plus haut de la Terre, Apparut une vierge et près d'elle un pasteur : Tous deux nés dans les champs, loin d'un peuple imposteur, Leur langage était doux, leurs mains étaient unies Comme au jour fortuné des unions bénies ; Ils semblaient, en passant sur ces monts inconnus, Retourner vers le Ciel dont ils étaient venus ; Et, sans l'air de douleur, signe que Dieu nous laisse, Rien n'eût de leur nature indiqué la faiblesse, Tant les traits primitifs et leur simple beauté Avaient sur leur visage empreint de majesté. Quand du mont orageux ils touchèrent la cime, La campagne à leurs pieds s'ouvrit comme un abîme. C'était l'heure où la nuit laisse le Ciel au jour : Les constellations palissaient tour à tour ; Et, jetant à la Terre un regard triste encore, Couraient vers l'Orient se perdre dans l'aurore, Comme si pour toujours elles quittaient les yeux Qui lisaient leur destin sur elles dans les Cieux. Le Soleil, dévoilant sa figure agrandie, S'éleva sur les bois comme un vaste incendie, Et la Terre aussitôt, s'agitant longuement, Salua son retour par un gémissement. Réunis sur les monts, d'immobiles nuages Semblaient y préparer l'arsenal des orages ; Et sur leurs fronts noircis qui partageaient les Cieux Luisait incessamment l'éclair silencieux. Tous les oiseaux, poussés par quelque instinct funeste, S'unissaient dans leur vol en un cercle céleste ; Comme des exilés qui se plaignent entre eux, Ils poussaient dans les airs de longs cris douloureux |
| | Posté le 04-04-2004 à 18:41:01
| Les Quatre Saisons Le « printemps », un fort éveil de la nature. Des couleurs diverses se répandent dans l’azur. On respire la beauté de ces tendres parures. Le décor s’embellit autour d’une armure Qui se déploie chassant de viles odeurs Dans une contemplation d’une vie si impure. « L’Été » , consécration, déploiement des odeurs. La vie accompagne nos corps en chaleur. Le splendide n’a d’égal que les douces fleurs Qui égaient notre parcours, chasse nos peurs Dans un calme ravissant de mille couleurs. Seulement que de l’amour, de la candeur. ‘L’Automne », un virage significatif du désarroi. Tout s’envole! Le vent chasse avec mépris la joie. Je titube dans un étonnement dénudé de soie, Du mépris, de la solitude; ai-je le choix? Le corps subit un malaise de la faible croix Qui ensanglante un cœur las de sa foi. « L’Hiver », recouvrir son corps d’un pelage épais. Transiger la vie dans un repos des plus discrets. Le soleil éloigné, frileux nous laisse en paix. Que l’on crève en humain parsemé de plaies! Le feu ne suffit plus. La terre remplie de craie N’est qu’un subterfuge pour des yeux en décès. André Labrosse (Épervier) |
| | Posté le 04-04-2004 à 18:41:32
| Célébration du Printemps Délicieux tournoiement de pétales veloutés, Dont l'éclat des pigments parsemés, Enchante mes iris écarquillés. En diagonale vous traversez, L'espace, avec une étonnante légèreté ; Le temps semble comme arrêté. Papillons, papillons, éphémère votre beauté, Sur la même trame ma vie est tissée. Le déploiement de cette palette printanière, M'annoncerait-il l'aube d'une nouvelle ère ? |
| | Posté le 06-04-2004 à 18:58:54
| http://www.recmusic.org/lieder/assemble_texts.html?SongCycleId=732 Léo Latil (1890-1915 ) La Tourterelle Ma colombe, ô ma tourterelle, est-ce vous dont j'entends la voix plaintive qui gémit dans les ramaux de ces ormaux qui s'assombrissent? Dans cette fin du jour l'air du soir était caressé par vos ailes, et maintenant, dans l'arbre balancé votre voix chante grave et pure, se mêlant au confus murmure des eaux. Ah! quelles tempêtes et quels orages vous ont emporté dans leur vaste univers mon bel oiseau si fier, conduisant votre course avec celle des grands nuages vagabonds. Qu'il est pure le ciel à son zenith! Se peut-il que les vents calmés vous aient abandonné dans les rameaux de ces grands arbres? Leur feuillage hautain est confus sur le firmament. Que vous vous plaignez tristement! Quelle flèche vous a blessé, mon bel oiseau si doux? C'est ici la vallée de mes larmes. Voici ces tendres coteaux, ces fleurs jamais cueillies, ces rives nébuleuses qui cheminent vers l'horizon. Le soleil a laissé ses rayons dans le ciel, dans un ciel pur où palpite le vol d'autres colombes invisibles. Vous chantez sur cette arbre au pied duquel je pleure. Ma colombe, ô ma tourterelle, demeurez avec moi, dans ma vallée. |
| | Posté le 06-04-2004 à 19:20:25
| http://www.recmusic.org/lieder/assemble_texts.html?SongCycleId=732 Léo Latil (1890-1915) Le rossignol Nous sommes aux portes du printemps, voici la merveilleuse nuit si douce appesantie sur les campagnes, ô campagnes qui vous étendez mollement inclinées au devant de moi, soulevées par les collines et cheminant jusqu'au lointain horizon courbe vers les dernières clartés du jour. Nous sommes aux portes du printemps; la terre humide des labours, la jeune herbe de blés, la trèfle, la luzerne et les fleurs endormies exhalent leur parfum. La terre douce, meuble et mouillée, sillonnée par le murmure des eaux, animée par le murmure des eaux et par le chant confus des grillons, s'étend sous le firmament des étoiles. Je suis au milieu des campagnes, arrêté, debout, les yeux fermés pour m'abandonner mieux à la nuit. Mon coeur est animé d'amour. La source de larmes et de prières s'ouvre dans mon coeur. Je voudrais parler et que ma voix s'entende et soit portée comme une chose vivante au dessus du murmure des eaux. Je voudrais chanter l'amour de mon coeur et répéter le nom de mon amie. Mais qui est mon amie, qui est mon amie? Où êtes-vous, merveilleuse et douce qui m'aimerez, vous inclinant devant moi, et qui me donnerez votre coeur pour enrichir le mien et votre douleur? Où êtes-vous? Je ne sais pas le nom de mon amie et je dirai seulement "Amour, ô amour, tristesse amère." Tout cela, la douceur de cette terre chaude et ces étoiles, cette longue nuit calme, c'est le printemps; nous sommes aux portes du printemps, le silence est aussi vaste que la nuit. Maintenant commence à chanter son chant grave et pur le rossignol. |
| | Posté le 10-05-2004 à 16:57:02
| Aux arbres Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme! Au gré des envieux, la foule loue et blâme ; Vous me connaissez, vous! - vous m'avez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant. Vous le savez, la pierre où court un scarabée, Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée, Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour. La contemplation m'emplit le coeur d'amour. Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure, Avec ces mots que dit l'esprit à la nature, Questionner tout bas vos rameaux palpitants, Et du même regard poursuivre en même temps, Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde, L'étude d'un atome et l'étude du monde. Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu, Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu! Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches, Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches, Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux, Vous savez que je suis calme et pur comme vous. Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance, Et je suis plein d'oubli comme vous de silence! La haine sur mon nom répand en vain son fiel ; Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! - J'ai chassé loin de moi toute pensée amère, Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère! Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours, Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds, Ravins où l'on entend filtrer les sources vives, Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives! Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois, Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois, Dans votre solitude où je rentre en moi-même, Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime! Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît, Arbres religieux, chênes, mousses, forêt, Forêt! c'est dans votre ombre et dans votre mystère, C'est sous votre branchage auguste et solitaire, Que je veux abriter mon sépulcre ignoré, Et que je veux dormir quand je m'endormirai. Victor Hugo (1802-1885) |
| | Posté le 10-05-2004 à 17:10:06
| Le Printemps Au temps de Ver qu'un chacun prend plaisance A écouter la musique accordance Des oisillons qui par champs, à loisir, A gergonner prennent joie et plaisir Voyant les fleurs en verdures croissantes, Arbres vêtus de feuilles verdoyantes, Prendre Cérès sa robe jà couverte Totalement de branche ou herbe verte, Dame Nature aorner les branchettes De prunes, noix, cerises et pommettes Et d'autres biens qui servent de pâture A toute humaine et fragile facture, Le Dieu Priape, en jardins cultiveur, Donnait aux fleurs délicate saveur, Faisait herbette hors des boutons sortir, Dont mettent peine amoureux s'assortir Pour présenter à leurs dames frisquettes Quand en secret sont dedans leurs chambrettes ; Pan, le cornu, par forêt umbrifère, Commençait jà ses maisons à refaire Par froid hiver et gelée démolies, Et les avait alors tant embellies Que chose était par leur grande verdure, Consolative à toute regardure ; Les champs étaient verts comme papegay ! De quoi maint homme était joyeux et gai, Et bien souvent aucun, par sa gaieté, Lors d'amourette hantait l'aménité Faisant rondeaux, chansonnette et ballades, Dames menaient par jardins et feuillades Et leur donnaient souvent sur le pré vert Ou une oeillade ou un baiser couvert Dont ils étaient résolus comme pape ; Un autre ôtait son manteau ou sa cape Pour faire sauts et pour bondir en l'air A cette fin que de lui fît parler. En ce temps-là, si propre aux amoureux, Moi qui étais pensif et douloureux Et qui n'avais du plaisir une goutte Non plus que ceux que tourmente la goutte, Vouloir me prit de ma chambre laisser Pour un petit aller le temps passer En un vert bois qui près de moi était, Le plus souvent où personne n'était, Afin que pusse un mien deuil étranger,, Pour un petit m'ébattre et soulager. En ce vert bois doncques m'acheminai Et ci et là, seulet, me promenai Dessous rameaux et branches verdelettes ; Me promenant, pensais mille chosettes. |
| | Posté le 10-05-2004 à 17:12:53
| La feuille De ta tige détachée, Pauvre feuille desséchée, Où vas-tu ? - Je n'en sais rien. L'orage a brisé le chêne Qui seul était mon soutien. De son inconstante haleine Le zéphyr ou l'aquilon Depuis ce jour me promène De la forêt à la plaine, De la montagne au vallon. Je vais ou le vent me mène, Sans me plaindre ou m'effrayer : Je vais où va toute chose, Où va la feuille de rose Et la feuille de laurier. |
|
|
|